Résumons-nous : la dette est une notion polysémique, porteuse d’une grande confusion morale qui est souvent utilisée de manière stratégique par les acteurs sociaux eux-mêmes, mais il est possible d’en produire un concept rigoureux en la définissant par genre et par différence spécifique. La dette relève bien sûr du genre des rapports sociaux : ne pouvant être réduite à un contrat mutuellement avantageux entre agents rationnels, elle doit aussi être appréhendée comme une réalité affective et violente. La spécificité du rapport d’endettement est d’être un rapport bilatéral qui s’inscrit dans l’ordre de l’échange : il relève donc d’un rapport de réciprocité et suppose l’égalité de statut des coéchangistes. Mais la dette s’inscrit dans le rapport d’échange pour y insérer un délai, séparant chronologiquement le transfert du rendu. Ce délai a pour conséquences d’introduire la question de la confiance et du risque, mais aussi de rompre provisoirement l’égalité de statut constitutive de l’échange : c’est là que s’enracine la problématique de la domination par la dette, que nous allons approfondir maintenant, afin de montrer que la dette doit être pensée comme un rapport de dépendance.