Selon nos auteurs, la cause ultime de la dimension transhistorique de l’endogénéité réside dans le fait que la monnaie serait ontologiquement un droit de tirage sur la production réelle – et nous tenons là un nouveau sens du terme endogénéité, qui nous semble au fondement de tous les arguments évoqués précédemment. Pour Louis-Philippe Rochon et Sergio Rossi, la monnaie est par nature une institution dont la fonction est de mettre en forme socialement la production en la reflétant dans l’ordre comptable. Or cela emporte des conséquences macroéconomiques importante, car si cette hypothèse est valide, alors le volume de monnaie en circulation varie nécessairement en fonction de celui de la production sans risque de sur- ou de sous-émission : si la monnaie est un simple reflet comptable du produit courant, enregistrant les droits que les travailleurs ont sur lui, alors elle entre nécessairement dans l’économie par le financement des dépenses de production (le crédit aux entreprises), et disparait lorsque cette production est écoulée et consommée (les recettes obtenues par la vente de la production permettant le remboursement du prêt, soit la destruction de la monnaie). La monnaie serait alors endogène non pas uniquement parce qu’elle est effectivement mise en circulation par le crédit bancaire, mais aussi, plus profondément, parce qu’elle doit nécessairement être ainsi émise pour financer la production et détruite lors de sa consommation. Autrement dit, la monnaie n’est pas seulement endogène de facto, elle l’est de jure : la création monétaire par le crédit bancaire n’est pas seulement un état de fait, c’est un état de nécessité, un ordre naturel – au double sens de nécessaire et juste. Il nous faut donc détailler cette conception de la monnaie, avant de la discuter – ce qui nous permettra, au chapitre suivant, d’interroger l’idée que la masse monétaire varie nécessairement en fonction du volume de la production.