L’encastrement de la création monétaire dans la dette fonctionnalise l’endettement : le recours à l’emprunt se voit désormais assigner la fonction macroéconomique de créer la monnaie au niveau correspondant à celui de la production. Or les emprunteurs privés n’ont, pas plus que les prêteurs bancaires, d’objectifs macroéconomiques lorsqu’ils nouent des contrats : ils n’empruntent et ne prêtent pas pour assurer que la masse monétaire atteigne le niveau nécessaire à l’équilibre des marchés, à la stabilité des prix ou au plein-emploi des ressources productives. La question est donc : y a-t-il un mécanisme d’ajustement spontané qui guide le choix des acteurs, sans qu’ils en soient conscients, afin d’ajuster la masse monétaire aux conditions de la stabilité macroéconomique, ou le fait de mettre la monnaie en circulation par la dette est-il au contraire un facteur d’instabilité ?
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Fisher montre selon nous que l’encastrement de la création monétaire dans le rapport d’endettement peut mener à la destruction pure et simple de la monnaie en cas de crise déflationniste. Un tel risque n’existerait plus dans un mode d’émission exogène comme celui proposé par l’auteur : la monnaie pourrait être thésaurisée (jusqu’à ce qu’on augmente les émissions pour répondre au besoin d’épargne de précaution), mais pas disparaître. La confiance dans la monnaie pourrait bien sûr être détruite par l’hyperinflation en cas de surémission, mais il n’existe pas de phénomène symétrique d’hyper-déflation susceptible de détruire l’institution monétaire : seul l’encastrement de la monnaie dans le marché du crédit permet à la déflation de faire disparaître les encaisses. Cette formidable source d’instabilité ne doit donc rien à la nature de la monnaie : elle s’explique seulement par sa forme actuelle. Non pas d’ailleurs par son caractère scriptural, mais par son mode d’émission, décentralisé et encastré dans la dette.